LA NAISSANCE DES EMPIRES LUBA ET LUNDA
By Jan Vansina
Au cœur de la savane de l'Afrique centrale, dans la région située à l'ouest du Haut Lualaba et au nord des Lacs du Katanga, il se produisit au cours du XVIe siècle un profond changement dans les structures politiques.
Des envahisseurs, les Balopwe, occupèrent la région et fondèrent un royaume important, l'empire Luba. De là ils se déplacèrent peu après vers l'Ouest et établirent un royaume en pays Lunda. A partir de 1600 et pendant plus d'un siècle, des groupes d'immigrants allaient quitter cette dernière région et transporter avec eux leur organisation politique à l'Ouest, au Sud et à l'Est, de telle sorte qu'aux environs de 1750 la civilisation Luba / Lunda se trouvait diffusée depuis la rivière Kwango à l'Ouest jusqu'au Lac Tanganyika a l'Est. Le présent chapitre décrit successivement les origines du royaume Luba et son histoire interne, les origines et l'histoire de l'empire Lunda, et l'histoire de l'expansion Lunda en Lunda Nord et Lunda Sur, en Rhodésie du Nord-Est et dans la région comprise entre le Kwango et le Kasai.
Il s’arrête de manière un peu arbitraire à l’année 1700, avant les expansions dans les pays situés à l'intêreur du bassin forme par le Congo et le Zambèze, ainsi que dans les pays du Kazembe.
La naissance du Royaume Luba
Vers 1500 la région comprise entre le Lac Tanganyika et le Haut-Kasai était divisée en une multitude de petites chefferies. Dans la partie occidentale elles étaient gouvernées par des Bungo, les ancêtres des Lunda. Dans la partie centrale, entre les Bushimai et les lacs du Katanga, vivaient les ancêtres des Luba du Katanga. Il y avait là deux royaumes de dimensions plus importantes, celui des Kaniok et celui des Bena Kalundwe. A l'est des Bushimai, les chefferies étaient trés petites et la population qui y vivait s'appelait les Kalanga. Entre les lacs et le Tanganyika vivaient les ancêtres des Hemba et peut-être déjà certains groupes parlant la langue Bemba. On ne sait a quel niveau d'organisation politique ces régions étaient parvenues.
A cette époque un immigrant nommé Kongolo apparut dans les pays des Kalanga pour devenir le fondateur de ce qu'on a appelle le premier empire Luba, Il n'y a pas de tradition unique concernant les origines ou la provenance de Kongolo. Les versions qu'on a pu recueillir montrent seulement à quel point nous manquons d'une étude générale des traditions orales Luba. Les traditions subsistant encore disent qu'il était originaire soit du Nord-Est, de la région ou se trouve maintenant la ville de Kongolo, soit du Nord-Ouest, de chez les Bena Kalundwe de Mutombo Mukulu. Une des traditions prétend même qu'il était né proximité de ce qui allait devenir sa capitale.
Quoi qu'il en soit de son origine, il est certain que Kongolo arriva dans le pays, soumit en cours de route des villages isolés et des petites chefferies et édifia sa capitale à Mwibele prés du Lac Boya (1). Peu de temps après qu'il s'y fut installé, un chasseur du nom d'Ilunga Mbili, venant de l'est du pays Lualaba, arriva avec sa troupe prés de la capitale. Il y fut bien accueilli par Kongolo dont il épousa deux demi-sœurs Bulanda et Mabela. Mais peu après, il repartait pour son pays natal à la suite sans doute d'une violente dispute avec Kongolo, homme rude qui refusait d'apprendre du nouveau venu les manières et subtilités du métier de chef. Ilunga Mbili venait manifestement d'une chefferie bien organisée encore qu'on en ignore pratiquement !'emplacement (2).
Après son départ, Bulanda mit au monde Ilunga Kalala et Mabela Kisulu Mabele. Devenu adulte Ilunga Kalala allait être un merveilleux guerrier et aider Kongolo a soumettre toute la partie méridionale du royaume, ce qui montre que la conquête de celui-ci prit au moins vingt ans sinon davantage.
Mais Kongolo prit ombrage des succès de Kalala et tenta de le tuer. Kalala se réfugia dans le pays de son père et en revint avec une armée Kongolo prit aussitôt la fuite et se réfugia prés de Kai. Trahi par ses propres sœurs, il fut capture et tue. Kalala s'empara du royaume et bâtit sa capitale à Munza, à quelques kilomètres de Mwibele. C’était le début de ce qu'on a appelé le second empire Luba qui est en fait le même royaume. L'histoire de Kogolo et de Kalala Ilunga est devenue épopée nationale des Luba (3).
Après son accession au trône, Kalala guerroya, pour agrandir ses domaines. Il fit la conquête de plusieurs chefferies sur les rives occidentales du Lualaba au nord du Lac Kisale, et de quelques autres sur la frontière des Kalundwe. Une tradition recueillie par Van der Noot rapporte que fors de !'édification de sa capitale il eut à combattre les Bena Munza, habitants du lieu.
Ce fait, s'il est vrai, montre que le royaume était encore très faible à cette époque. Mais à la mort de Kalala, il semble que les bases de son organisation étaient installées (4).
L'organisation politique du royaume est très mal connue, et devrait faire !'objet de recherches poussées de la part d'ethnologues qualifies. A rheure actuelle, on n'en connait que les Brands traits.
Les Luba étaient organisés en patrilignages qui ne semblent pas s'être insérés dans un système segmentaire, à la différence de ce qui se produisit chez les Luba du Kasai. Mais au Kasai il n'y avait pas d'organisation politique supérieure. Chaque lignage comprenait des clients, qui lui étaient lies par contrat, et des esclaves domestiques.
Le village était forme d'un ou plusieurs lignages. Il était dirigé par un chef choisi sans aucun doute au sein du lignage qui avait joue le rôle principal dans l’établissement du village, mais néanmoins nommé officiellement par un supérieur hiérarchique qui pouvait être le roi lui-même Ce chef était assiste d'un conseil qui comprenait tous les chefs des lignages existant dans le village.
Plusieurs villages formaient ensemble une chefferie, et il se peut que ces chefferies aient préexiste au royaume. La chefferie avait a sa tête un kilolo, c'est-a-dire un chef territorial. Plusieurs chefferies formaient une province placée sous la direction d'un chef provincial, et toutes les provinces ensemble formaient le royaume. La hiérarchie territoriale n’était cependant pas rigide. Certaines Chefferies dépendaient directement du Roi et il en allait de même pour certains villages.
Il semble qu'un certain nombre de chefferies aient été héréditaires, sans doute celles des « propriétaires du sol », tandis que d'autres étaient gouvernées par des chefs nommés par leurs supérieurs immédiats et confirmés dans leur nomination par le roi. Tous les chefs, à l'exception des «propriétaires du sol» étaient balopwe, c'est-a-dire membres des lignages de Kongolo ou de Kalala Ilunga. Certains pontes de Chef étaient confies à vie, d'autres pour une période de quatre ans.
Mais, le Roi pouvait déposer les chefs, quels qu'ils fussent. Ce souverain gouvernait sa capitale, la kitenta, et chaque nouveau roi fondait une nouvelle capitale. La kitenta du Roi décède ainsi qu'une zone environnante était confiée a une femme, la mwadi qui était en contact avec !'esprit du défunt, et à un tivite, c'est-a-dire le principal ministre du disparu. A la mort de ces personnes leurs fonctions passaient à leurs descendants. Ces régions étaient sacrées et libres de toute ingérence du souverain vivant ou de ses inférieurs.
Le gouvernement central comprenait le Roi et ses dignitaires. Les titres étaient hiérarchises et correspondaient à des fonctions différentes. Le plus important était le titre de twite, chef de guerre et commandant d'un corps d'officiers qui formait la seule force de police permanente du royaume; l'inabanza, gardien des emblèmes sacrés qui était avec le sungu le chef provincial le plus important. D'autres titres variaient de chefferie à chefferie.
Citons les titres de nsikala, régent pendant un interrègne, de kioni, et de mpesi. Plusieurs titres étaient expressément réservés aux proches parents du roi, et en fait la plupart des autres allaient à la famille royale, principalement aux membres du patrilignage de sa mère.
Les dignitaires démissionnaient a la mort du roi qui les avait nommés et ils étaient alors remplaces, ou reconduits dans leur charge. Le nouveau dignitaire devait offrir au souverain une importante quantité de présents, de manière à garder sa charge, de telle sorte qu'en fait plusieurs titres étaient achetés. Quoique les titres ne fussent pas héréditaires, les charges étaient souvent transmises aux héritiers des dignitaires défunts.
La royauté était fondée sur la notion de bulopwe. Il s'agit d'une qualité sacrée, portée dans le sang, mais transmise par les mâles, qui donnait aux chefs le droit et les moyens surnaturels de gouverner. Sans bulopwe personne ne pouvait avoir d'autorité et tout bulopwe provenait de Kongolo ou de Kalala Ilunga. Le roi régnait donc de droit divin, et l'on croyait qu'il possédait des pouvoirs surnaturels.
Cela ressort nettement de la description des rites d'installation, du fait qu'on le considérait comme un Vidye, ou esprit de la nature, des emblèmes et tabous de sa fonction etc. La spécificité de cette conception de la royauté, comparée à celle d'autres états africains, réside avant tout dans ses liens étroits avec le culte des ancêtres et plus encore avec le sang, à tel point que personne ne pouvait régner sans que le sang ne le désigne pour cette fonction.
Théoriquement, le Roi exerçait une autorité absolue: il ne semble pas qu'il y ait eu un conseil supérieur pour contrebalancer sa puissance. Mais celle-ci était tempérée du fait qu'il avait des demi-frères qui pouvaient s’élever contre lui, appuyés par le patrilignage de leurs mères, et soutenus par la cour et le peuple au cas ou le Roi était un tyran. II est possible qu'il y ait eu d'autres freins institutionnels à la puissance royale, mais on n'en trouve aucune mention. Toutefois il ressort nettement de l'histoire Luba et des rapports ethnographiques que le roi n'avait pas la puissance des rois du Kongo et que la structure du lignage semble avoir joue un rôle politique important.
Ce tableau s'applique seulement orientation de la région centrale du royaume, c’est-à-dire la région habitée par les Luba. Lorsque les Luba conquirent des groupes étrangers, à l'est ou à l’extrême sud du Lualaba, il semble qu'ils laissèrent les chefferies conquises aux mains de leurs chefs et se bornèrent à les contrôler en installant un ou deux villages Luba et en les soumettant à l'inspection d'un chef provenant de la région centrale.
L'organisation que nous avons décrite se présente d'une manière très semblable dans tous les autres royaumes Luba, tels ceux des Kalundwe, des Kaniok et des Kikonja. Il diffère sous certains aspects importants de I organisation Lunda que nous décrirons plus loin (5).
Il n'y a pas d'accord général au sujet de la succession du balopwe après Kalala Ilunga. Nous avons résume les sources dans le tableau suivant, qui montre combien ce problème requiert des recherches soutenues. Il est clair, spécialement pour la première partie de la liste, qu'aucune de ces sources ne peut être préférée aux autres. L'ordre dans lequel nous les présentons est donc arbitraire.
TABLEAU II : LES SOUVERAINS DU SECOND « EMPIRE » LUBA
Le fils de Kalala Ilunga Walefu ou Liu est surtout connu comme le frère de Cibinda Ilunga qui quitta le Royaume pour fonder l'Empire Lunda, peu avant 1600 vraisemblablement. Il eut pour successeur Kasongo Mwine Kibanza, petit-fils de Kalala par son père, qui eut à subir la rivalité de ses cinq fils. Il les battit tous et conquit de nouvelles terres.
Ngoi Senza est renommé pour avoir décentralise le royaume en créant de nombreuses chefferies autonomes. Parmi ses successeurs Kasongo Bonswe eut à lutter contre ses oncles qui avaient été lèses dans la succession et qui étaient soutenus par leurs clans maternels. Avec son fils Mwine Kombe s'acheva la première période de l'histoire Luba, période pendant laquelle on ne signale pas de conquêtes après Kasongo Mwine Kibanza, ni de luttes fratricides pour la royauté.
En revanche, ces deux traits caractérisent la période suivante qui commence avec Kadilo, le fils de Mwine Kombe. Ces données fragmentaires sur un siècle et demi d'histoire Luba mettent en lumière la nécessité d'études ultérieures en cette matière (6).
Outre l'état de Kalala, il existait à la même époque trois importants royaumes Luba. Dans la région de Kikonja un état fut fondé pendant le règne de Kalala Ilunga sur les terres d'une chef Eerie antérieure dirigée par une femme nommée Mputu. Le fondateur de cet État, un Kunda nommée Bombwe Mbili aurait été le frère ou le fils de Ilunga Mbidi Kiluwe. Le nouveau royaume groupait trois populations légèrement différentes, les pécheurs Laba du lac Kisale, les sujets de Mputu, et les Songo Meno de la rive nord du Lualaba.
Cet État ne fut jamais expansionniste, en revanche il dut résister à ses voisins et y parvint grâce au fait que la population pouvait trouver refuge dans les Isles du Lac Kisale. En réalité ses dimensions n'étaient genre plus importances que celles des chefferies traditionnelles comme il y en avait beaucoup à l'est du Lualaba en pays Hemba (7).
Les Kalundwe disent que quand Kongolo arriva dans le pays il y trouva une petite chefferie, groupant seulement quelques villages, qui était dirigée par les Bena Basonge. Âpres Kongolo, c'est une famille Lunda qui prit le pouvoir et fonda une nouvelle lignée royale, celle des Bena Kabeya. Enfin, une ou plusieurs générations plus tard, c'est une autre lignée Lunda, celle des Bena Gandu qui acada au trône.
Après une période de guerre civile entre ces trois familles, un compromis fut trouvé qui établissait que le chef serait choisi selon un système de rotation irrégulière entre elles trois. Entre-temps, probablement avant 1700, les Kalundwe, qui formaient la chefferie de Mutombo Mukulu, s'étaient répandus et étaient devenus suffisamment forts pour affirmer leur puissance à travers les siècles. On ne dispose d'aucun renseignement digne de foi touchant le troisième Royaume, celui des Kaniok (8).
C'est le cas aussi pour toutes les chefferies situées entre le Lualaba et le Lac Tanganyika, a l'exception des Tabwa et des populations qui leur sont apparentées.
Ceux-ci prétendent être venus du Nord, avoir suivi la rivière Lovua et s’être rendus à partir de là dans la région de Baudouinville et de Zongwe. Ils Laissèrent un groupe à Mengwe près du Lovua. De Zongwe un groupe, celui des Tabwa et leur clan dirigeant, les Zimba, se dirigeait vers le Sud, tandis que le clan Kasanga restait dans la région en donnant naissance aux Tumbwe, et que le clan Kamanya organisait les Hemba. En outre, on pense que les Bwile ou Aanza dénivérent ultérieurement des Tabwa.
Plus tard les Tabwa et les Tumbwe s’étendirent vers le Nord et les seconds atteignirent finalement le sud du cinquième parallèle. La chronologie et les détails de l'histoire de ces peuples sont si incertains qu'on n'a absolument aucune image nette de leur évolution ultérieure (9).
Pour toute la région du Kasai, il n'y a actuellement ni traditions ni autres documents qui remontent au-delà du XVIIIe Cependant, on peut supposer que toute la région située à l'ouest des Lulua et au nord-ouest des Kaniok était occupée par les Kete du Sud et du Nord. Les Luba du Kasai vivaient dans le triangle compris entre les pays Lubilash, Bushimai et Kaniok et il se peut qu'ils aient déjà alors commence à s'infiltrer chez les Lwalwa, Mbal, Sala Mpasu, Kongo du Bas Lweta et de la vallée du Kasai. A l'Est le pays était occupée principalement par des Songye.
La naissance de Empire Lunda
Les mythes Lunda traitant de l'origine de ce peuple nous apprennent qu'ils vivaient depuis des temps très reculés dans les régions septentrionales de leur territoire actuel. Ils situent la création du genre humain dans la vallée du Kalaany près de Sakapemb.
A partir de ce noyau, de petits groupes de villages auraient assaimé au gré de l'accroissement de la population. Ils se seraient établi dans les plainer vers l'Ouest sous la conduite de leurs chefs, les «chefs du pays», Mwaant Aangaand ou Acubuung (tubungu). Il se maintint des relations entre villages en vertu de la
A cette époque, le pays était gouverné par Mwaakw, un jumeau de sexe male issu dune longue lignée de jumeaux depuis les premiers hommes. C’étaient encore les temps mythiques. Le fils de Mwaakw Nkond eut deux fils Kinguri et Cinyama. Ils étaient paresseux et cruels et un jour leur père faillit mourir des coups qu'ils lui donnèrent.
Il fut sauvé par leur sœur Rweej (Lueji) et décida alors que sa fille lui succèderait après sa mort, nouveau thème mythique expliquant cette fois l'origine de la succession matrilinéaire. Selon les mêmes traditions, Nkond mourut des suites des coups qu'il avait reçu, scion d'autres il ppérit dans une guerre contre les Tchokwe dont le chef Kabamba sopa niama ou Kadiki ka Ditanga vivait à l'ouest du Haut-Kasai. fiction de la royauté perpétuelle, de telle sorte que le pays Lunda formait déjà dès le XVIe siècle une entité politique aux liens, assez lâches mail unifiée. Quoiqu'il en soit, c'est Rweej qui lui succéda (10).
C'est alors qu'arriva Cbinda Ilunga (Cibiind Yiruung) venant de la capitale d'Ilunga Walwefu. Il épousa Rweej et devint Roi. Ce mythe signifie manifestement que le balopwe Luba conquit la région Cette hypothèse trouve une confirmation importante dans le fait que de nombreux titres Lunda sont dérives du pays Luba (11) et que certaines traditions prétendent que plusieurs compagnons d'Ilunga quittèrent le pays pour fonder le royaume Bemba. Kinguri et Cinyama n’acceptèrent pas le nouveau règne et émigrèrent, le premier pour fonder le royaume Kasanje sur le Kwango, le second pour porter le règne Lunda jusqu'au Lwena.
Peu Âpres se produisit une insurrection générale qui ne fut matée qu'avec l'aide des troupes Tchokwe. Mais ensuite les Tchokwe quittèrent le pays Lunda, de même que les Bemba et les populations apparentées. Telle est, en résumé, la première expansion du règne Lunda sur de larges parties de l'Afrique centrale. Selon l’interprétation correcte de ces traditions, seuls de très petits groupes d'hommes, peut-être seulement une centaine à la fois ou même moins, auraient participé aux migrations.
Rweej n'eut pas d'enfants et Cibinda Ilunga épousa Kamonga Lwaza qui mit au monde un fils Mwaant Luseeng lequel monta sur le Trône.
Luseeng était un grand organisateur. C'est sous son règne que semble s’être édifiée toute la structure politique du royaume Lunda. II institua les titres de la cour et les titres territoriaux. Son fils et successeur Mwaant Yaav Naweej poursuivit son œuvre et son nom Yaav devint un titre générique de la Royauté Lunda. Au cours de ces trois premiers règnes, le Royaume Lunda connut une expansion qui le mena de la vallée du Nkalaany jusqu'à la région comprise entre cette rivière et le Kasai à l'Ouest et les chutes du Lulua au Sud.
Les mwaantaangaand locaux se seraient soumis assez rapidement aux émissaires de la capitale, une fois l'un d'eux soumis par la force, du moins si les liens de royauté perpétuelle existant entre eux correspondaient à des liens d'authentique royauté. Mais si ces liens étaient fictifs, il faut admettre que chacun d'eux aurait été conquis à son tour (12).
L’envoyé Lunda devenait alors un cilool (kilolo) ou Chef politique et recevait un morceau de terre du mwaantaangaand qui reconnaissait son autorité. Vers la fin de la vie de Naweej, les conquérants étaient arrives dans la région de Malasa et Mukulu entre les rivières Lovua et Kasileshi.
Ils avaient atteint aussi la rivière Rutembe. Ils y trouvèrent un peuple nouveau, les Kosa, qui différaient des Lunda du Nord auxquels cependant ils étaient culturellement apparentées. Leur conquête ne fut achevée que sous le règne de Muteba au début du dix-huitième siècle (13).
La structure politique des Lunda telle qu'elle existait vers 1700 était basée sur le village et son domaine, le ngaand. Les villageois étaient gouvernés par un conseil d'anciens le ciyul et un chef dont le titre se transférait héréditairement en ligne maternelle, le Mwaantaangaand, spécialement responsable du bonheur surnaturel des villageois, et dont les pouvoirs venaient de ses ancêtres qui étaient censés avoir fondé le village.
A cause de ses pouvoirs rituels le Mwaantaangaand ne pouvait être dépose que par le roi, car celui-ci aussi détenait des pouvoirs surnaturels. Différents villages étaient unis en groupes selon la nature des liens de royauté perpétuelle existant entre leurs chefs.
Ces groupes étaient, semble-t-il, diriges par le mbay, c'est-à-dire le plus ancien des chefs. Ceux-ci à leur tour étaient groupés en districts politiques régis par un cilool, nommé par le roi et le conseil général sur proposition d'un groupe de mbay après une période d'essai et le paiement de redevances appropriées. Le cilool n'avait ni droits ni devoirs surnaturels; il était uniquement percepteur d'impôts. Il devait expédier les taxes à son supérieur dans la capitale, qui les transmettait au Roi.
Ce système avait également des buts administratifs. Chaque district était donc lie à un représentant spécial à la cour et ce lien était également conçu en termes de royauté perpétuelle Le cilool régissait lui-même un morceau de forêt, am pat, que les villages lui avaient donne et ou il vivait avec ses proches parents.
On trouvait encore sous ses ordres des Mvwab ou fonctionnaires charges de gouverner tel village ou la charge de mwaantaangaand n’était pas exercée, ce qui se produisait fréquemment étant donné que le titre de mwaantaangaand se transmettait par filiation maternelle seulement, quoiqu'en matière d’héritage et en d'autres domaines la succession se calculait bilatéralement. Au-dessus du cilool, mais gouvernant dans le même district on trouvait le yikeezy, qui supervisait les activités du premier sur nomination royale lorsque son honnêteté ou son efficacité étaient douteuses. Cette institution semble indiquer qu'il était impossible ou très difficile de déposer un cilool incompétent.
Dans la capitale le Roi, Le Mwaant Yaav, «Seigneur de la vipère», et ses dignitaires formaient le gouvernement central. Il détenait des attributs sacrés, nommait les fonctionnaires de la cour, créait de nouveaux titres, pouvait déposer les fonctionnaires de tout rang et présidait le citentam, conseil national et cour suprême composée des plus hauts dignitaires.
Il était assisté par trois types de fonctionnaires. Le premier groupe comprenait quinze acubuung, chefs des quinze villages les plus anciens du pays, qui exerçaient des devoirs rituels, et tous les autres principaux dignitaires religieux tels que le magicien de la guerre, le mwadi gardien des tombes des rois défunts etc.
Le deuxième groupe comprenait des dignitaires résidant dans la capitale, tous lies au roi par des liens de royauté perpétuelle Ce groupe comprenait des dignitaires fameux tels que le nswaan muruund (Swana Mulunda), mere perpétuelle des Lunda, la Rukonkish (Lukonkesha), tante perpétuelle, le nswaan mulapw (Swana Mulopwe), prince héritier, le mutiy ou chef de la guerre etc.
Ces dignitaires étaient lies à différents cilool par des liens de royauté perpétuelle, ces cilool étant leurs « fils » du point de vue successoral. Le troisième groupe de dignitaires vivait en dehors de la capitale. Cetait des chefs tributaires reprèsentés à la capitale par des délègues permanents, les ntomb. Ceux-ci payaient au Roi les tributs qui leur provenaient des chefs, des cilool ou des yikeezy qu'ils reprèsentaient. Parmi ces chefs tributaires se trouvait notamment le Cibiing, gardien des frontières entre le pays Lunda et le pays Luba.
C'était un ancien émigre Luba qui avait juré fidélité au roi et s’était installé prés de la frontière. Les liens de royauté perpétuelle unissant les chefs de ce troisième groupe au roi étaient assez lointains: ils n’étaient que des «enfants» du Roi.
Il n'y avait pas d'armée régulière permanente. Toutefois, au dix-neuvième siècle, un petit régiment faisait de constantes incursions chez les Sala Mpasu. Mais il y avait des kakwata, ou chefs itinérants, qui voyageaient sans cesse avec une suite armée pour percevoir le tribut ou exécuter des ordres dans les régions lointaines de l'empire.
Ils ne servaient pas en pays proprement Lunda, ou il n'y avait d'autre force militaire qu'un petit corps de police installe dans la capitale. La puissance militaire des Lunda était donc très réduite ce qui rend d'autant plus remarquable leur expansion sur une bonne part de l'Afrique.
Les cilool éloignes payaient le tribut une fois Fan à la saison sèche, tandis que ceux qui vivaient aux alentours de la capitale devaient payer des impôts plusieurs fois par an. On payait en produits de la région ou en nourriture.
La capitale qui comprenait 8 à 10.000 habitants lors de la visite de Pogge dèpendait entiérement de ce dernier tribut pour sa subsistance. Comme le remarque le professeur Biebuyck, le paiement du tribut semble avoir été la caractéristique la plus notable de L'empire Lunda. Les provinces extérieures pouvaient vivre comme bon leur semblait à condition qu'elles payent le tribut.
Toute la structure politique reposait sur les mécanismes jumelés de la succession positionnelle et de la parente perpétuelle.
Un successeur n’héritait pas seulement de la charge mais du statut personnel du défunt y compris son nom propre et ses relations de famille. Ainsi les anciennes relations de parente étaient rètablies à chaque génération et il ne se créait de nouveaux liens qu'après que toutes les «positions» anciennes du système eussent ete remplies.
En pratique, ces mécanismes s'avere-rent extrêmement utiles parce qu'ils opéraient un divorce entre la structure politique et la structure de la descendance réelle, n’étant lies à aucun principe particulier de descendance. Chez les Lunda du Nord le système de la parente était bilatéral, mais matrilinéaire quant à la succession au poste de nuvaantaangaand: ailleurs, dans l'empire, c’était le système matrilinéaire qui prévalait, mais il arrivait comme chez les Yaka que le systèmes fut matrilinéaire pour la population et patrilinéaire pour les chefs.
Mais cette diversité n'empèchait pas les principes de la succession positionnelle et de la parente perpétuelle de s'appliquer par-tout. Ces mécanismes jumelès pouvaient done se rèpandre sans necessiter de changements dans les structures sociales existantes, ce qui explique pourquoi tant de civilisations d'Afrique centrale purent les adopter sans grande résistance, même lorsqu'il y avait déjà des lignages segmentaires à fonctions politiques, comme c’était le cas chez les Lwena. Une autre caractéristique fondamentale du systèmes, qui lui permettait de s'adapter partout, était le «gouvernement indirect».
Des chefs locaux pouvaient être assimiles aantaangaand tandis que les nouveaux-venus devenaient cilool. Ils s’établissaient et fondaient une colonie Lunda, iyanga, considérée comme place neutre par les résidents non Lunda de la région, qui pouvaient recourir à son arbitrage et lui étaient finalement soumis sans que l'usage de la force eut été nécessaire (14).
En comparant les systèmes politiques Luba et Lunda, on peut comprendre pourquoi le royaume Luba ne parvint jamais à déborder sensiblement le pays d'origine des Luba, tandis que les Lunda réussirent à se répandre d'une manière si remarquable. Les Luba en effet, ne pratiquaient pas la succession positionnelle et la parente perpétuelle. Ils n'exploitèrent pas la division existant entre les «propriétaires du pays» et les «chefs politiques» (15); ils n'assimilèrent jamais de chefs étrangers dans leur propre système, quoiqu'ils aient installe des villages Luba au voisinage de chefs tributaires afin de contrôler leurs paiements.
Du point de vue du chef soumis au tribut le système Lunda était meilleur, puisqu'il y était honore et respecte en tant que « propriétaire du pays », tandis que dans le système Luba il n’était qu'un chef vaincu oblige de payer (16).
Les évènements les plus remarquables des rêgnes de Mwaant Luseeng et de Mwaant Yaav Naweej sont, outre l'expansion reguliére et la consolidation du Royaume, les campagnes dans le Nord. Luseeng fut attaque par les Kaniok diriges par leur chef Sabwa. Après plusieurs invasions Kaniok, le Roi les pourchassa dans leur propre territoire. Mais il fut tue dans une embuscade. Son successeur reprit l'offensive et annexa une portion de territoire sur la rive du Mulungu. Mais il ne put annexer le
territoire Kaniok plus au Nord.
Il attaqua également les Kete et les Sala Mpasu sur le Lulua et annexa une partie de leur territoire, a savoir toute la région comprise entre le Lulua et le Bushimai. Mukoko, le grand chef des Sala Mpasu, qui vivait près de ce qui est actuellement la ville de Luisa, fut soumis au tribut. Plus tard lors d'une nouvelle campagne, le Roi chit le Lulua afin de soumettre le.s Sala Mpasu de la rive occidentale, mais il fut vaincu et trouva la mort dans le combat (17).
C'est sous le règne de Naweej que les Imbangala ouvrirent la route commerciale de Kasanje à Musumba, la capitale Lunda. En progressant dans l'autre direction, de Kasanje à Luanda, cette route permit aux objets et techniques d'origine occidentale de s'infiltrer dans le pays Lunda des une èpoque avancée que l'on peut situer approximativement autour de l'annee 1650.
C'est par cette route que let's parvinrent les premiers tissus, les premiers fusils, et, fait plus important, c'est par elle que leur fut transmise la culture du manioc et peut-être du mais. C'est par elle aussi que l'on commença à acheminer des esclaves vers la côte (18).
L'expansion Lunda
Quand Kinguri quitta le pays Lunda après l’arrivée de Cibinda émigra vers Kahunze et les sources des rivières «Pulo» et «Lukombo» sur le haut plateau situe entre le Kwango et le Kasai. Mais les colons furent déranges quelque temps plus tard par l'arrivée d'un deuxième groupe d’émigrants venant du pays Lunda, les ancêtres des Tchokwe, des Minungo, des Shinje et des Songo.
C'est alors que quelques-uns des chasseurs de Kinguri revenant de la région qui allait devenir le pays Songo, l'informèrent des qualités du pays situe à L’Ouest et lui apprirent qu'au loin à Kasanga dans le Ndongo, il y avait des hommes blancs qui possédaient de belles armes. Kinguri franchit alors le Kileulo vers Bola Cassache, ou il arriva à la cour de Mboluma, chef Sungwe.
Mais sa suite complota avec les Sungwe afin de le tuer sous prétexte qu'il était trop cruel. Le complot réussit et c'est le neveu de Kinguri, Kasanje ka Imba qui lui succéda à la tête du groupe. Il émigra à son tour, pour alter chez les Européens, en laissant les femmes à Bola Cassache. Mais la route de Luanda était bloquée par les troupes du Roi du Ndongo.
Certains des officiers de celui-ci le trahirent et passèrent à Kasanje, qui avec leur aide vainquit le Roi, atteignit les portugais et avec eux refoula les Nzinga jus-qu'à. Pungo a Ndongo. Kasanje jura fidélité au roi du portugal et s'établit à Lukamba près d'Ambaka, juste en dehors du contrôle effectif des portugais Après deux ans, à la suite dune famine, il partit vers l'Est à travers le pays Bondo et atteignit les plaines du Lui Kwango ou régnait un Chef Pende, Kilamba.
A la suite d'une querelle entre les deux hommes, Kasanje fut fait prisonnier, mais sa femme, qu'il avait épouse à Bola Cassache, lui dépêcha le secours de ses frères qui avec l'aide d'un ancien général des Nzinga le délivrèrent et tuèrent Kilamba. Dans les mois ou les années qui suivirent, les Pende furent chassés de la vallée et partirent vers le Nord-Est jusque dans la région du Kwango méridional.
On décida alors que le Royaume conquis s'appellerait Kasanje et serait gouverné tour de rôle par des Rois du matrilignage de Kasanje ka Imba, du matrilignage des frères de l’épouse de Kasanje, la Ligne Kalunga, et du matrilignage de Ngonga Mbande, la ligne Ngonga. Tous ces événements se produisirent au début du dix-septième siècle.
C'est vraisemblablement en 1610 que Kasanje prèta serment de fidélité, et en 1613 qu'il quitta Lukamba (19). La population du royaume y fut connue sous le nom d'Imban- gala, nom qui designait les Jaga, et son chef portait le titre de Jaga.
Cela signifie dés lors que certains des allies de Kinguri ou de Kasanje, probablement à Bola Cassache, étaient des Jaga. Si comme nous le pensons, les Jaga étaient originaires d'une region comprise entre le Kwango et le Lunda, une telle alliance entre Jaga et émigres Lunda eut été parfaitement compréhensible.
On se rappellera qu'en même temps que Kinguri son frère Kinyama quittait lui aussi le pays Lunda. Il partit vers le Sud et fonda, les royaumes Lwena. C'est de là selon les Lunda du Nord que par la suite les ancêtres des Tchokwe auraient émigre vers. l'Ouest. Mais sur ce point tous les temoi-gnagent ne concordent pas. Les Lwena soutiennent que leur ancètre était Ndalamuhitanganyi et qu'il avait quitté le pays Lunda avant l'arrivée de Cibinda.
Il trouva en chemin un peuple primitif qui se nourrissait de Poisson et de nénuphars et ne savait pas cultiver le sol. De retour au pays Lunda il y trouva Cibinda, et dès lors repartit vers le Sud avec son fils Cinyama qui devint le chef des Lwena. Cette vue est certainement très simplifiée. Il semble que les premiers habitants aient été les Mbwela.
Ils étaient organises en grands matrilignages segmentaires quoiqu'il n'y eut pas d'opposition complémentaire régulière entre les segments, c'est-à-dire que les segments mineurs d'un même lignage majeur ne s'unissaient pas automatiquement si l'un d'eux se trouvait en guerre avec un lignage majeur étranger. On trouvait le même type d'organisation, en réalité les mêmes clans, dans les régions connues plus tard comme Tchokwe et Luvale.
Les arrivants Lunda furent d'abord considérés, comme des arbitres neutres, mais après un certain temps lorsqu'ils disposèrent d'un appui local suffisant, le chef ou mwangana devint un juge compètent pour tout conflit entre lignages y compris le meurtre et pouvant faire appal a "'aide d'un tiers lignage lorsqu'il voulait mettre un terme à des querelles non sanglantes. La population commençea à croire à l'influence des chefs sur la fertilité du sol et petit à petit la notion de royauté divine fut introduite. Il semble que ce processus se soit produit en différents endroits, ce qui donne à penser qu'il n'y eut jamais un unique royaume Lwena, pas plus qu'un seul royaume Tchokwe ou Mbunda.
Tout se passe donc comme s'il y avait eu non pas une seule migration sous la conduite d'un chef Lunda mais l'installation dans diverses parties de la région Lwena, Tchokwe de petits meneurs Lunda s efforçant d'y devenir chefs. Cette lente croissance du commandement Lunda expliquerait pourquoi les listes, des chefs Lwena ne permettent pas de fixer leur arrivée à une date antérieure à 1750. Il se peut qu'ils soient arrives beaucoup plus tôt mais la période de croissance aurait dure jusqu'en 1700 o.u 1750 (20).
Selon la tradition Lunda les Tchokwe quittèrent le pays Lunda peu de temps après Kinguri et Cinyama. La tradition Imbangala dit que ce furent les Tchokwe et les Songo qui amenérent Kinguri à quitter le plateau nordouest de l'Afrique Austral. Selon d'autres traditions Lunda les Tchokwe se déta-chérent des Lwena. Certaines traditions Tchokwe dissent la même chose tandis que d'autres prétendent que les. Tchokwe quittèrent le pays Lunda ou son voisinage à la suite d'une guerre, «la guerre des flèches de boil».
Les traditions recueillies dans le Kwango racontent que Kabamba usopa nyama Chef des Tchokwe, combattit Nkond, chef des Lunda, dans le pays de ceux-ci et qu'aprés la victoire Lunda les Tchokwe partirent vers les riviêres Lunguebungu et Lwena et les sources du Kasai ou ils s'établirent sous le commandement de différents chefs, dont les plus importants furent Ndumba Tembo et Kanyika (21).
En dépit de ces traditions, des auteurs comme Biebuyck et White estiment que les Lunda se sentent actuellement moins proches, des Tchokwe que des Lwena, et White note que la migration Tchokwe consista en une série de coups de mains d'aventuriers agissant pour leur compte, qui se produisirent sans grande coordination et à des periodes échelonnées dans le temps (22).
La population qu'ils organisèrent était composée de chasseurs et d'artisans et ressemblait aux Ambwela du point de vue culture".
On associe généralement aux Tchokwe les Minungo et les Songo qui furent soumis en même temps qu'eux a la domination Lunda. Mais la tradition des Songo prétend que leurs ancêtres émigrèrent avec Kinguri. II n'y aurait pas eu qu'un seul fondateur d'une lignée Lunda en pays Songo, il y en aurait eu cinq sans compter Kinguri. Plus tard leur culture, comme la culture et la langue des Imbangala et des Minungo aurait subi de fortes influences Ambundu, mais il semble que leurs liens avec les Lunda soient authentiques (23).
L'expansion Lunda vers l'Est
Les prairies situées au sud des lacs du Katanga ainsi que le plateau de la Rhodésie du Nord furent occupées en 1600 par un certain nombre de peuples de civilisations très semblables. Il y avait chez touter un grand nombre de clans. Ces clans s'ètaient éparpilles à travers la région en vertu de la virilocalité du marriage et de la structure de l'etablissement selon laquelle tout homme ayant des successeurs pouvait construire son propre village.
Il semble que l'on puisse distinguer à cette époque trots constellations de peuples jouissant d'une civilisation presque identique: ceux du Haut-Katanga, ceux de la vallée du Luapula et ceux du plateau du Nord-Est.
Les traditions les, plus anciennes dont nous disposions sont celles des Luapula. Selon eux, le bas de la êtait occupé par des sections de clans commandées par des chefs héréditaires ou cikolwe.
Dans le Haut, Luapula il y avait de petites chefferies dont les chefs régnaient sur d'autres peuples que leurs parents et recevaient tribut de leurs sujets. Les clans possédaient le pays et leurs domaines ou katongo se limitaient aux deux cotes de la vallée de telle sorte que l'organisation politique de ces chefferies semble avoir ete très rudimentaire (24).
On trouve au sud-est du Katanga des domaines claniques de mème type, qui ont pratiquement survecu jusqu'à nos jours, comme chez les. Sanga par exemple (25). Les peuples du plateau rhodésien êtaient organisés en petites chefferies, exactement comme dans la partie supêrieure de la vallée du Luapula. Leurs chefs êtaient sans doute d'origine Luba ou Hemba, et portaient le titre de mulopwe wa bantu, «chef du peuple», mulopwe signifiant évidemment chef dans la langue Luba (26).
Ceci s'accorde parfaitement avec les traditions des peuples Cewa et Maravi vivant plus au Sud-Est, qui se disent originaires eux aussi du pays Luba.
Si ce tableau de la situation est bien exact, il en résulte que l'histoire de cette vaste région dans les temps recules peut être retracée dans une proportion considérable à l'aide de la seule étude des traditions claniques et des traditions des descendants des premiers chefs, c'est-à-dire de sources qui jusqu'à présent n'ont pas encore été systématiquement recueillies.
Étant donne que les unités de population étaient des clans ou plutôt des segments de clans localises, il est très probable que l'image de grandioses migrations tribales élaborée par des auteurs comme Gouldsbury et Sheane, Lane Poole ou Grévisse est complétement erronée. Le mouvement de population se serait produit au niveau de la section de clan. Les sections de clans êtaient sans doute trés mobiles, mais elles se seraient déplacées dans toutes sortes de directions.
Sur l'étendue de la région l'ensemble de la population pourrait done ètre considéré comme une masse statique. Cette vue est :étayée par des preuves culturelles qui montrent que d'un point à l'autre de la région, il n'y a pas de brusque rupture culturelle, mais seulement des changements graduels, ce qui Concorde exactement avec les. que l'hypothèse permet de tracer.
Thus les récits traditionnels que nous ayons de l'histoire de la région font supposer que la grande majorité des ancétres des populations actuelles y êtaient deja installés et formaient dans l'ensemble une masse statique. Cela implique qu.e l'immigration et l'expansion des Lunda dans cette région, ne consista pas en mouvements de masse, mais simplement en mouvements de clans dirigeants, de telle sorte que le nombre reel des immigrants Lunda a pu être extrëmement reduit.
La premiere immigration semble avoir été celle des Bemba. Les quel-ques indications chronologiques dont nous disposons semblent situer leur sortie du pays Lunda au cours du règne de Cibinda. Ilunga dont ils étaient des suivants Luba (27).
Ceci explique pourquoi les chercheurs qui étudient la tradition des Bemba se sont toujours opposes au sujet de l'origine de ce peuple, les uns prétendant qu'il. est d'origine Lunda, les autres. lui attribuant une origine Luba. La meilleure source Bemba connue à ce jour, le panégyrique de Nkole wa Mapembwe, second roi ou citimukulu, manifeste son accord avec la tradition citèe lorsqu'il dit : « Nkole wa Mapembwe... tu etends le pays Lunda. Tu es un vrai chef Luba » (28).
Les chefs Bemba quittèrent le pays Lunda parce qu'ils s'y sentaient négliges ou humiliés et se dirigérent vers le Luapula, qulls franchirent au nord du Lac Bangweolu. Dans leurs traditions, l'histoire de cette migration est animée de nombreux clichés etiologiques qui expliquent la présence du royaume de Kazembe dont nous savons que la fondation est de loin posterieure, l'introduction du système matrilinéaire etc. (29).
Arrives au nord du Bangweolu, ils franchirent la rivière Lwena, un affluent du Lac, puis franchirent le Chambesi pour ensuite se diriger vers le Sud. C'est alors qu'une querelle survint entre deux femmes, ce qui eut pour résultat qu'une partie du groupe demeura en arrière et organisa les chefferies Bisa.
Les autres poursuivirent vers le Sud dans le pays des Lala auxquels ils donnê-rent pour chef Kankomba Cibale. Cependant la plupart d'entre eux poursuivirent leur chemin, se dirigèrent vers l'Est, franchirent le Lwangwa et parvinrent à la petite rivière Katengoma, dans le pays des Nsenga dont le chef Mwase vivait au sud-est de Lundazi dans le Nyassaland.
C'ètait une chefferie bien organisée et Mwase tua Citi Mukulu chef des Bemba. Mais celui-ci fut venge par son frère Nkole wa Mapembwe qui tua Mwase, puis retourna vers le Nord-Est ou il eut à cornbattre Pilula, Roi des Fipa. Ce Royaume Fipa était nettement du type Est-africain et c'est à eux que les Bemba, empruntèrent les rites funéraires royaux ainsi que les institutions qui s'y rattachent.
L'un des chefs Bemba un homme « blanc », Luchele Nganga, quitta alors le gros du groupe Bemba et partit vers l'Est ou il disparut. On dit que l'un des membres de sa suite Cungu wa Nkonde fonda le Royaume Nkonde. Mais c'est une explication qui n'est pas confirmèe par l'histoire Nkonde (30).
Nkole mourut près du pays Fipa; il eut pour successeur Cilufya, son neveu par sa mere. Mais celui-ci n'étant encore qu'un enfant, la rêgence fut confiée à un chef nommè Cimba. Quand Cilufya eut atteint l'age d'homme, reconduisit les Bemba à l'ouest de la rivière Chambezi, dans la région qui allait devenir leur pays, et il donna à Cimba l'une des principales chefferies. C'est au cours de son règne, ou sous le règne de son successeur, que furent trees deux importants postes de chef, le mwamba et le nkula.
Les Bemba se mirent alors à soumettre les différentes, parties du pays. Certains d'entre eux rompirent avec le roi et établirent des royautés dans les groupes voisins, tels Mwanga qui créa la chefferie Nyika et Cangala qui fonda le royaume Mambwe. Cilufya eut pour successeur son jeune frère, Mulenga Pokiri, qui soutint et repoussa un assaut des Fipa conduits par Pilula.
C'est sous son règne que prit forme l'organisation politique du pays Bemba, dont l'histoire ultérieure, jusqu'en 1850, est mal connue. Même la liste des rois n'est pas fermement établie à ce jour. Les principaux faits ressortant du mémoire que Labrecque a consacré à cette période sont des disputes au. sujet de la succession, la mise en echec d'une invasion Mambwe, et des luttes contre les Lungu qui perdirent certaines de leurs terres.
Les donnees ethnographiques dont on dispose têmoignent sans conteste de l'existence d'une tradition officielle vivante qui pourrait permettre à des travaux ultèrieurs de retracer la chronique detaillée de l'histoire antérieure à 1850 (31).
En pays Bisa les chefs au pouvoir perdirent rapidement le contrôle du pays et trois nouvelles chefferies outre la chefferie originale naquirent au cours du XVIIe ou du XVIIIe ayant à leur tete des princes de la ligne royale. Le méme processus se produisit en pays Lala. Au cours des mêmes siècles des lignes d'origine Lunda etablirent aussi leur domination sur les Nsenga, les Swaka, les, Ambo et les Lamba, toutes peuplades qui probablement essaimèrent de chez les Lunda établis parmi les Lala.
L'origine de la chefferie Ushi est sans doute liêe elle aussi a un groupe Lunda et à l'hisitoire Lala. Les Lunda fournirent des chefs à d'autres peuples en pays Bemba. Parmi eux il faut mentionner les Unga, les Mukulu, et les Ngumbu, qui furent conquis plus tard par les Ushi, les Cishinga, les Shila et les Bena Ngoma.
Il se pourrait que ces derniers aient reçu leurs chefs non pas directement des Bemba, mais des Unga sinon méme du pays Lunda. Il est douteux egalement que les chefs Lala aient êtè rèellement des membres du groupe Bemba. La tradition. Lala raconte qu'ils émigrèrent séparément (32).
Que la migration Bemba ne fut pas la seule, c'est ce que montre l'histoire de Lubunda du clan des rats. Lubunda quitta la capitale. Lunda sous le règne de Naweej I, parce qu'on le tenait pour responsable d'un grand incendie qui s'y était déclare. Il prit la fuite vers le Luapula et devint le chef d'une petite chefferie dans le Haut-Luapula (33).
L'image d'ensemble du processus est donc la suivante : divers groupes d'aventuriers Lunda seraient partis vers l'Est et y auraient fonde des chefferies sur tout le plateau rhodésien, et dans une large partie du Katanga du Sud-Est. Il se peut cependant que cette image ne corresponde pas à la réalité.
Le prestige des Lunda aurait êté si grand dans ces régions que toutes les, lignes de chefs se seraient réclamées d'une origine Lunda, quelle que fût leur origine réelle. Mais si cette déformation est possible il n'en demeure pas moins qu'elle témoigne de la profonde influence qu'eurent les Lunda sur cette vaste région.
L'histoire des Shila éclaire bien ce processus de formation des chefferies. On se rappellera que la vallée du Bas-Luapula était habitée par des populations qui ne possédaient pas de chefferie. Ce n'étaient pas les premiers habitants, qui étaient semble-t-il un groupe de pécheurs et de chasseurs, les Twa.
Leurs voisins en amont les appelaient les Bwilile, «Ceux qui mangent leurs propres produits», c’est-à-dire ceux qui ne paient pas tribut par allusion à leur manque de chefs. Un Bemba nommé Nkuba à la suite d'une querelle avec l'un des premiers chefs régnants des Bemba vint dans cette région Bwilile accompagné de toute une suite.
Les nouveaux venus s'y marièrent et montrérent aux habitants ce qu'êtait l'institution de la chefferie et les avantages qu'elle comportait. Ils érigè-rent une petite chefferie et avec l'appui de leurs parents par alliance se répandirent lentement sur la côte guest du lac Mweru, moitié gráce à la persuasion, moitié grace à la guerre. Nkuba jouissait d'une supériorité militaire décisive parce que ses forces relativement modestes en nombre pouvaient submerger les sections claniques isoliées, qu'il avait a combattre. Mais la persuasion faisait l'essentiel de sa force, car il devait convaincre ses adversaires d'accepter la conquête.
Il est probable qu'il recourut abondamment à la technique du marriage avec les habitants locaux, à l'exploitation du prestige du titre de chef, et à la création de nouveaux titres destines à entrainer une participation locale au nouveau système. Mais une fois la région Bwilile entièrement conquise, la chefferie était devenue trop vaste et elle donna naissance à trois chefferies de dimension plus réduite, commandées par des chefs dont le titre -était désormais Nkuba.
Leurs sujets perdirent le nom de Bwilile et devinrent des Shila. Les Shila étaient donc une nouvelle « tribu », mais sans qu'il y eüt la moindre migration de masse. Une évolution analogue semble s'être produite dans toutes les autres parties de la Rhodésie du Nord-Est et dans le Katanga oriental, Les noms des « tribus » actuelles y reflètent sans doute moins une opposition culturelle réelle que les vicissitudes de l'implantation de l'institution de la chefferie (34).
L'expansion Lunda dans la région du Kwango
D'une manière générale, la région bordée à l'Ouest par le Kwango et à l'Est et au Nord par le Kasai, était aux environs de l'an 1600 habitée par deux types de populations. Vers le Nord-Ouest, le long du Bas-Kwango et du Kwango moyen, et le long du Bas-Kasai jusqu'au Kamtsha vivaient des populations qui se prétendaient originaires de ce qui est aujourd'hui le pays Tyo (Teke). Nous traiterons de leur histoire dans le chapitre suivant.
Elles avaient pour voisins au Sud des populations parlant une des langues apparentées à la langue du Kongo, comme les Mbala, les Pindi, les Tsamba, les Suku etc. Leur habitat semble avoir été très dissémine et if se peut qu'ils ne se soient pas étendus à l'est de la Loange ou une population à trés faible densité de pygmées et de Kete occupait le pays.
Le premier événement historique que l'on puisse repèrer dans la région est l'arrivée des Jaga sur le Kwango avant 1568. Il semble qu'ils aient mis en dèroute certains peuples du groupe du Nord-Est mais qu'ils n'affectèrent nullement ceux des groupes du Sud-Est. C'est par l'arrivée des Lunda que ceux-ci auraient été mis en fuite. Vers 1880 en effet, toute la région du Sud-Est était gouvernée par des chefs d'origine Lunda.
Les récits concernant l'arrivée des Lunda sont assez embrouilles mais il semble néanmoins qu'après, que les Tchokwe eussent quitté le pays Lunda Rweej envoya son cousin Kandumba ou Kakilya. Uhongato vers l'ouest pour y fonder un État tampon entre le pays Lunda et le nouveau pays de Kinguri. Il portait le titre de Kapenda Mukwa Ambungo, et était accompagné de Mona Mavu a Kombo, fille de sa soeur. Le groupe s'établit d'abord sur le Luajimu.
Mais, Mavu se maria et son mari prit sa place. Les autres émigrants quittèrent la région, franchirent le Kwenge et atteignirent le Kwango après une lente progression. Le mythe étiologique raconte que Mavu, eut trois maris et qu'il naquit de chacun d'eux un garçon et une, fille.
Le premier fils Yenge et sa soeur Mahango fondèrent la lignée de Kapenda ka Mulemba en pays Shinje; le second fils Malundo et sa soeur Muzombo organisèrent la chefferie de Kapenda ka Malundo au sud du pays Shinje, tandis que le troisième fils Masongo et sa soeur Maholo fondèrent la Chefferie de Kapenda Masongo au sud de Mulemba. Ces trois dynasties rêgnantes allaient accepter des successeurs l'une de l'autre et s'aider mutuellement dans la hâte contre les étrangers.
Il semble qu'un seul lignage ait refiné dans les trois États et il se pourrait bien que la division en trois chefferies se soit produite subséquemment. Les Shinje se trouvaient dans la région ou ils vivent actuellement et ils étaient étroitement apparentés aux Pende qui venaient d'être expulses par Kasanje ka Imba.
Kapenda Masongo confinait aux Songo dans le Sud. Tel est ce que prétend la tradition recueillie par Carvalho, la seule publiée jusqu'à ce jour. Mais certains des détails de cette tradition sont en conflit avec la tradition Songo. Ici encore il existe d'autres données qui mêriteraient d'être recueillies (35).
La nouvelle de l’établissement de Kapenda suscita de la joie chez les Lunda et Cibinda Ilunga, décida d'envoyer son frère Mai vers le Nord dans le pays occupé par les Taba.. Mai se fraya un chemin jusqu'à l'embouchure du Tshikapa ou il fonda l’État de Mai Munene. Ses sujets étaient des pygmées, des Kete et bientôt des Pende.
Une tradition Bieng (Kuba) rapporte un conflit avec les Lunda aux environs de 1650, date qui pourrait donc être considérée comme le "terminus ante quem" de cette migration. Ce fut aussi la date de la première arrivée des Pende dans la région (36).
Des expansions ultérieures amenèrent davantage de Lunda dans, le pays.
Kisanda Kameshi, cousin de Rweej et Mukelenge Mutombo cousin d'Ilunga qui avaient accompagné Mai allèrent jusqu'au Lovua. De là Kameshi, après avoir bati une capitale sur la rivière Tshikapa, revint chercher du renfort chez les Lunda, et repartit avec le titre de Kahungula et la permission de diviser ses terres entre ses trois fils. II mourut en cours de route, et c'est son fils aine, nomme lui aussi Kameshi, qui fit le partage.
Ce Kameshi laissa son frère Lusenge dans la capitale de son père avec. le titre de Bungulo et partit vers le Luajimu tandis que son autre frère s'établissait sur le Luembe pour y contenir les peuples qui vivaient entre cette rivière et le Kasai. Kahungula conserva une preeminence sur les autres centres et ses Lunda s'appellèrent Lunda Amukundo.
Le chef établi sur le Luembe portait aussi le titre de Kahungula mais son peuple s'appelait les Taba. Toutes les chefferies nommées ci-dessus, étaient matrilinéaires quant à la succession politique à l'exception. des deux chefferies Kahungula. Ou le principe bilatéral était en vigueur.
Les trois chefferies de Kameshi ne se développèrent pas en États satellites des Lunda mais demeurèrent des provinces sous contrôle étroit du Mwaant Yaav (37).
Mukelenge Mutombo franchit le Luvua, s'établit dans une région qu'il trouva occupée par les Pende et prit le titre de Mwata Kumbana.. Solon une autre tradition, il était de fils préfère, le mwana uta d'Ilunga et serait parti de lui-même suivant l'exemple de son oncle Kinguri, aprés qu'un autre émigrant, Mwene Putu Kasongo, eût quitté le pays Lunda. Il se serait établi au confluent du Shikoku et du Loange avant l’arrivée des Pende, et n'aurait trouvé dans la région que des Lele.
C'est plus tard, vers 1650, que seraient arrives les Pende et les Mbun. Nous n'avons pas plus de renseignements sur l'histoire de ce royaume que sur cello des autres chefferies mentionnées ci-dessus. On sait seulement que ce royaume acquit une grande importance dans tout le Kwango. Il n'avait d’égaux que le royaume de Mai Munene et celui des Yaka sur lequel régnait Mwene Putu Kasongo (38).
Kasongo, un neveu de Cibindi Ilunga, à moins qu'il ne fat fils de Rweej (ce qui semble impossible car elle était sterile, suivant toutes les autres traditions), désirant retrouver Kinguri émigra vers l'Ouest. Mais rencontra les Hobo et les Suku, près des chutes du Tungila et engagea le combat avec eux sur la rive droite du Wamba.
Arrêtè dans sa progression il laissa sur place son frêre ainé Lukundo Sango, chef en titre de l’expédition, et revint chez les Lunda demander des renforts. Mais il ne retourna pas chez son frère. II suivit une route allant légèrement plus au Nord et laissa des colonies Lunda sur toute la côte occidentale du Kwilu.
Il franchit le Kwenge par un gué qui depuis s'appelle Kasongo Lunda et atteignit finalement le Kwango ou il entreprit d'édifier l'Etat Yaka. A la suite d'une querelle, certains des membres de sa suite le quittèrent, retournèrent vers l'Est, en direction des deux rivières Bwele, ou ils s'établirent et devinrent les Soonde. Ils adressèrent un message au Mwaant Yaav pour lui demander de leur envoyer un chef. Il leur envoyé Tyanza des Koola (Koala signifie Lunda) qui s’établit à Kitoto pour y régner sur les Soonde, les Luwa et quelques, Pende. Plus tard, ou presque dans le même temps, d'autres immigrants suivirent.
De Mwata kumbana arriva Sha Katwala ou Mwe Nzila qui s'établit entre le Kwenge et le Bwele; quatre. autres groupes Lunda suivirent après. II se développa dans la région un véritable courant migratoire et jusqu'en 1880 on assista à l'immigration, de families isolées ou de petits groupes de Lunda provenant du pays Lunda ou Koola, de Lunda Sur et Lunda Nord et de Mwata Kumbana. Dans cette région donc, comme dans le Lunda Nord, l'exparision Lunda ne se borna point à un mouvement de groupes réduits et influents; elle prit la forme dune poussée continue qui, échelonnée sur deux siècles, équivalait à une véritable migration de masse (39).
A époque des conquêtes, dans la première moitié du XVIIe il y eut encore un autre groupe de Lunda qui quitta le pays. Ce groupe était conduit par Mukalenge (titre Luba) Mwansansa, et son fils Mukalenge Mwene Luanda quittèrent la cour et s'établirent au Sud-Ouest, sur le Kihumbwe, au sud des chefferies Bungulo et Kahungula.
A leur suite Sakambunj quittait lui aussi le pays Lunda pour aller s'établir sur la rive droite du Haut-Kasai, sur les terres qui avaient été occupées à un certain moment par Mukwa Ambungo des Shinje. Outre cette chefferie, d'autres cilool se repartirent le pays jusqu'aux sources du Lulua. Ces chefferies, comme celle de Bungulo et les chefferies Kahungula, restèrent des provinces du royaume Lunda proprement dit (40).
Lorsque Mwene Putu Kasongo arriva dans la vallée du Kwango il y trouva les Suku organises en un ou deux royaumes. Ces Suku êtaient des peuples Kongo — ils parlent toujours le Kongo oriental pur —; ils avaient quitté le centre de ce royaume à une date bien antérieure. La vallée du Kwango comprenait encore les Tsaam, qui étaient venus du Kongo ou du Matamba, et des Jaga qui s'y étaient établis après avoir été expulsés du Kongo vers 1570.
Face à ces royaumes organises la progression des Lunda fut lente. Ils s'avancèrent jusqu'au Haut-Wamba, puis jusqu'au Kwango prés des rivières Yonso et Fufu, et ensuite un peu vers le Nord jusqu'à Kiamfu kinzadi ou furent enterrés les quatre premiers kiamfu ou chefs Lunda. Ce n'est sans doute qu'au cours du XVIII' siècle qu'ils allaient entrer en conflit avec les Suku sur la rivière Nganga et les chasser de la vallée (41).
II se produisit une autre migration de tout un peuple entre 1620 et 1650, dans le sud du Kwango. Les Pende qui vivaient à lest du Lukala et dans les plaines du Lui en avaient été chassés par les Imbangala.
Au cours de ces trente années, ils franchirent le Kwango d'Ouest en Est, en pays Shinje, allérent jusqu'aux sources du Kwenge et ensuite jusqu'au Kwilu près de Mashita Mbanza, d'ou divers groupes Pende se dispersèrent, poursuivant généralement leur marche vers l'Est.
Ils arrivèrent prés de la capitale de Mwata Kumbana, soit immédiatement avant, soit immédiatement après les Lunda, et atteignirent le Kasai: à l'embouchure du Tshikapa immédiatement après les Bieng et les Lunda.
II ne fait pas de doute que certains d'entre eux furent assimilés par les Shinje. Installés, les Pende continuèrent à vivre dans leur nouvelle chefferie. Mwata Kumbana et Mai se contentèrent de placer auprès des chefs des colonies Lunda pour veiller au paiement du tribut. Mais certains chefs du royaume Mai comme Kombo se rebellérent avec succès et devinrent pratiquement indépendants. Certaines traditions Pende, recueillies par Haveaux, prétendent que le peuple Pende venait du Ndongo et de la mer. Ils se seraient retires devant les portugais et le récit identifie un groupe Pende avec le lignage des Ngola.
Au cours de leur retraite ils traversèrent la région du Lui dont ils furent bientôt chassés. Ces traditions demandent à étre confirmées sur de nombreux points de détail, mais il ne fait pas de doute que les Pende apportérent avec eux une civilisation Ambundu, qui survécut en grande partie, en dépit de deux siècles de domination Lunda.
La civilisation des Lunda n'eut pas d'influence très profonde sur les Pende; ils n'en reprirent que certains traits, dont beaucoup concernent ]'institution de la chefferie. D'autre part, certaines colonies Lunda situées parmi les Pende furent complétement assimilées par ceux-ci.
Le nombre des Pende et leur structure politique et sociale relativement complexe empêchaient leur assimilation par les Lunda. En outre, les Pende influencèrent très fortement la culture des Kwese, à tel point qu'on les prend souvent pour des Pende. Une version Kwese maintient que Pende et Kwese êtaient le même peuple et avaient migré ensemble.
Les Kwese refusaient d'accepter un pouvoir cheffal autocrate et se séparèrent des Pende. II se pourrait aussi que les Pende aient exercé une forte influence sur les Mbuun, avec lesquels ils avaient été en contact depuis leur arrivée à Mashita Mbanza (42).
L’évènement crucial dans l'histoire reculée de l'Afrique centrale fut, non pas la création d'un Royaume Luba par Kongolo et Kalala Ilunga, mais ]'introduction des principes Luba de gouvernement dans le pays Lunda sous le règne de Cibinda Ilunga, ainsi que la transformation de ces principes par les Lunda.
La nouvelle structure politique, développée vers 1600 dans la capitale Lunda, pouvait être adoptée par n'importe quelle culture. Sa diffusion allait déterminer l'histoire et l'évolution générale de la civilisation dans une vaste région jusqu'en 1850.
A l'heure actuelle encore, on peut en discerner les effets sur les peuples d'Afrique centrale. Mais par un curieux paradoxe, vers 1700, alors que cette expansion avait déjà touché tant de peuples de la Savane, l'organisation du pays d'origine des Lunda n'était encore qu'en voie d'achèvement, et les derniers districts entre Lulua et Lubudi n'avaient pas encore été organises.
Ce paradoxe entre l'expansion d'une part et la lente croissance du noyau d'autre part, montre que ce n'est pas la puissance militaire des Lunda qui décida de leur suprématie, mais bien la supériorité et la souplesse d'adaptation de leur système de gouvernement, jointes l'esprit d'aventure des conquérants qui le répandirent au loin, au cours d'une diffusion d'autant plus aisée que la Savane était ouverte et ne leur opposait pas de frontières naturelles.
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Mangovo Ngoyo
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